n vue de freiner la propagation du coronavirus, le gouvernement burkinabè a décidé de la fermeture des frontières en mars 2020. Cette mesure gouvernementale met en péril le « gagne-pain » de beaucoup de personnes qui ne savent plus à quel saint se vouer. Et avec l’apparition du virus Ebola en Côte d’Ivoire, pays avec lequel le Burkina a des liens économiques très forts, les chances de voir les frontières rouvrir semble s’amenuiser. Au grand dam des commerçants qui exercent autour de la gare ferroviaire de Ouagadougou.

La gare ferroviaire de Ouagadougou a perdu son effervescence d’antan. Les commerçants installés à proximité subissent de plein fouet les conséquences de la fermeture des frontières. Ce vendredi 20 août 2021, le climat était morose à notre arrivée aux environs de 10 heures. En temps normal, les activités devaient battre leur plein à cette heure.

La fermeture des frontières désole Mme Bonkoungou

Mais ce vendredi, les commerçants se tournent les pouces. Approchée, Jeannette Bonkoungou, après plusieurs tentatives, accepte de se confier à nous. « Depuis la fermeture de la frontière, c’est très dur pour nous. Nous vivons difficilement. Nous avons dépensé tout l’argent que nous avions. Pour envoyer les colis, nous rencontrons beaucoup de difficultés. Contrairement au train, le transport par les gros camions nous coûte plus cher. Tous nos bénéfices rentrent dans le transport et souvent nos marchandises n’arrivent pas à bon port », déplore-t-elle.

Pis, elle a vu sa clientèle s’amenuiser au fil des mois. Entourée de ses marchandises notamment l’attiéké, du placali et diverses autres marchandises importées de Côte d’Ivoire, dame Bonkoungou dit s’en remettre à la providence divine pour la reprise à la normale de ses activités commerciales.

Le trajet Abidjan-Ouaga est un parcours de combattant, selon Clémentine Ouédraogo, une commerçantes

Consciente des risques que fait courir la maladie à coronavirus aux populations, elle prône l’ouverture des frontières, tout en donnant l’assurance que les mesures édictées par les autorités sanitaires seront respectées à leur niveau. « La rentrée s’annonce à grand pas et on ne sait pas comment faire pour que les enfants partent à l’école. Nous demandons aux autorités d’avoir pitié de nous. Présentement, nous ne pouvons pas demander de crédit à quelqu’un, parce que le contexte national impacte tout le monde », plaide Mme Bonkoungou.

Le constat est plus alarmant pour Clémentine Ouédraogo, commerçante. Cette dame, d’un âge avancé, est connue de tous pour la qualité de ses marchandises. Pour s’approvisionner, elle effectue elle-même le déplacement sur Abidjan. Ces marchandises sont vendues en gros aux commerçantes de la gare de trains. Si de par le passé, elle faisait la navette entre les deux pays avec aisance, cela n’est plus le cas avec la fermeture des frontières. Elle aborde cette question avec un pincement au cœur.

Le transport des marchandises est notre source de revenu, dixit Sylvain N’Do

« Pour rentrer à Abidjan, c’est très difficile. Les marchandises fraiches pourrissent en cours de route ». Hormis cette difficulté, elle évoque également le coût élevé du transport mais aussi le calvaire durant le trajet. « Souvent, on peut faire une semaine voire dix jours sur la route, lorsque le véhicule tombe en panne », confie-t-elle. Au moment où nous la rencontrions, elle était en train de trier ses graines de palmiers.

Les conséquences de la fermeture des frontières sont ressenties également au niveau des conducteurs de tricycles. Le quotidien de ceux de la gare de Sitarail se résume à la causerie, aux jeux de dames et/ou de cartes. C’est le cas de Sylvain Eric N’do. Ce dernier ne cache pas son désarroi. « Nous souffrons beaucoup par rapport à la fermeture des frontières entre le Burkina et la Côte d’Ivoire. Nous venons juste ici pour causer. Il n’y pas de marché. On peut rester sans rien faire pendant plus de deux semaines.

Nathalie Sawadogo, la dame habillée en robe bleue

Pourtant, c’est notre seule source de revenus », explique-t-il impuissant, avant d’ajouter : « Il est vrai que la maladie est là, mais les autorités peuvent fournir un effort en mettant en place un arsenal de dispositifs pour nous faciliter la tâche, surtout avec la rentrée scolaire qui avance à grand pas. Les préparatifs commencent dès maintenant ».

Désiré Sankara, un amoureux des mets ivoiriens, trouve le prix de l’attiéké relativement un peu cher. Mais avec le recul, il n’a aucun regret. « L’attiéké que je viens d’acheter est de bonne qualité », assène-t-il. L’ouverture des frontières est perçue comme le salut qui viendra sauver les commerçants mais aussi les clients. Mais le fait que la Côte d’Ivoire a enregistré un cas de virus Ebola vient tout remettre en cause. Outre cela, le Burkina a enregistré un cas de choléra.

De l’avis de Nathalie Sawadogo, l’apparition de cette maladie dans notre pays est « une politique » des autorités burkinabè pour maintenir les frontières fermées. « A cette allure, ils vont nous tuer y compris avec nos enfants. Parce qu’on n’a pas l’argent nécessaire pour payer leur scolarité et mener nos activités convenablement. On pleure nuit et jour. Je suis convaincue que cette année, beaucoup d’enfants n’iront pas à l’école », dit-elle.

Pourquoi ouvrir le transport aérien et maintenir les frontières fermées, s’interroge Mme Sawadogo, visiblement toute révoltée. Pour joindre les deux bouts, elle dit avoir contracté un crédit en banque qu’elle peine d’ailleurs à rembourser. Confrontée à cette difficulté, elle demande la clémence des autorités.


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