Parmi les féculents les plus prisés par les Burkinabè, il y a le maïs braisé. A Ouagadougou, cette céréale a gagné le cœur des citadins à tous les niveaux. Le maïs braisé est prisé non seulement pour son goût, mais aussi, pour sa qualité d’amuse-gueule. On le mange partout : au bureau, en voiture, à moto ou entre amis au grin de thé. Heureusement aussi, on en trouve à acheter partout en cette période de l’hivernage. Des femmes et jeunes filles en ont fait leur métier. Elles écument les rues de Ouagadougou, les maquis, bars, restaurants et autres lieux publics, pour proposer ces céréales grillées. Mais d’où viennent ces maïs qu’affectionnent tant les Ouagavillois ? Que gagnent ces petites commerçantes ? Pour en savoir davantage, Minute.bf est allé à la rencontre des braves vendeuses de maïs braisé installé sur l’Avenue de la Dignité.

Éventail en main, sac de 100 kg sur le côté, fourneau attisé sur lequel sont posés des épis de maïs à moitié braisés, grillage d’étalage pour le maïs déjà braisés. Des arachides fraiches grillées, bouillies, le tout dans une assiette, c’est en substance la description du bureau de Fatima Derra, sur l’Avenue de la Dignité. Ménagère au foyer, elle a fait de cette activité, sa principale source de revenus. Chaque saison hivernale depuis bientôt 10 ans maintenant, ce sont les bordures de cette avenue qui lui servent de lieu de commerce. Et la commerçante dit prendre son métier très au sérieux.

Une vue de la disposition du « bureau » de Mme Derra

Elle affirme que pour se procurer le maïs, il faut nécessairement effectuer un déplacement à la source. A l’en croire, c’est dans le village de Nagbaré, dans la commune de Kombissiri située à plus d’une cinquantaine de kilomètres de la Capitale burkinabè, qu’est acheté le maïs frais. Le sac de maïs frais de 100 Kg lui est alors vendu à 20 000 CFA. « Pour avoir le maïs, il faut aller jusqu’à Kombissiri pour payer le sac à 20 000 CFA ou en tas de 3 maïs à 200 CFA et le transporter ici pour vendre. Mais tu peux te faire livrer par les tricycles, si tu veux. Malheureusement, le maïs même n’est pas disponible en quantité suffisante. C’est pour cela qu’on se déplace pour s’en procurer », explique-t-elle.

Une recette journalière variable…

Pour Fatima Derra, comme toute activité commerciale, la vente des maïs connait par moment des hauts et des bas, des pertes et des bénéfices. Sa recette journalière, dit-elle, dépend de la fréquence de la clientèle. « Il y a des jours où ça va et des jours où ça ne va pas. Tout dépend du nombre de clients que je gagne par jour. Je vends l’unité à 100 ou 150 F CFA. Le maïs qui n’est pas braisé, pour ceux qui veulent amener à la maison pour braiser eux-mêmes, c’est 3 à 500 F CFA. C’est comme je l’ai déjà dit, tout dépend vraiment des clients. Il y a des jours où je peux avoir 10 000 F CFA et des jours où je peux gagner 15 000 F CFA. Pour mes dépenses, comme le charbon et autres, elles n’excèdent pas 5 000 F CFA », précise-t-elle.

L’élève Raïna Zoundi occupe ses vacances en braisant du maïs frais

A environ 200 mètres de Mme Derra, Raïna Zoundi, une autre vendeuse de maïs, a aussi sorti son matériel de commerce. Comme sa voisine, elle propose également du maïs frais braisé aux passants de l’Avenue de la Dignité. Mais à la différence de la première, elle n’en a pas fait sa principale activité. Elève en classe de terminale, elle dit faire cette activité juste pour meubler ses temps de vacances. Ainsi, lorsque les cours reprennent, elle range fourneau et grillage pour se concentrer à nouveau sur ses cahiers.

Comme Fatima Derra, Raïna Zoundi se ravitaille elle aussi à l’extérieur de Ouagadougou, à Nagbaré et à Koubri, plus précisément. « C’est à Nagbaré qu’on part payer 3 à 200 F CFA pour venir revendre ici. Là où je paie, c’est comme ça, même si tu veux pour 50 000 F CFA, il va te vendre 3 à 200 F CFA jusqu’à 50 000 F CFA. Mais il peut arriver que tu demandes pour 5 000 F CFA et le vendeur te donne pour 4 000 F CFA parce qu’il n’y a en a pas beaucoup actuellement », fait savoir Zoundi.

Nos vendeuses font le déplacement hors de Ouagadougou pour ravitailler les Ouagavillois en maïs frais

La jeune élève en classe de terminale affirme également enregistrer, par moment, des méventes imputables, en partie, à la qualité même du maïs. Pour elle, certains fournisseurs ne laissent pas mûrir suffisamment le maïs dans les champs avant de les récolter. « Souvent on vend, on gagne quelque chose. Mais souvent aussi c’est la perte. D’autres maïs ne sont pas bien formés. Et quand c’est comme ça, les clients ne veulent pas ça. De nombreuses femmes veulent vendre le maïs, mais il y a un manque sur le marché. Comme la demande est forte, certains cultivateurs nous vendent des maïs qui ne sont pas bien formés et ça joue sur le bénéfice. Cependant, je peux gagner par jour environ 2 000 F CFA. Ça dépend vraiment de la clientèle », a-t-elle révélé.

« Manger le maïs braisé, c’est faire un clin d’œil à son cher village… »

Rasmané Denné, Ouagavillois, fait partie des amateurs du maïs braisé. Il en raffole. Il affirme ne jamais manquer l’occasion de s’en procurer. D’ailleurs nous l’avons retrouvé stationné au bord du goudron, épis de maïs en main.  « C’est quelque chose qui arrive occasionnellement. Ce sont des produits de saison et quand c’est le moment, nous sommes pressés de goûter, de profiter au maximum avant que la saison ne passe. C’est pourquoi nous partons à chaque fois payer le maïs braisé », a-t-il indiqué.

Rasmané Denné saluant les efforts vendeuses des maïs frais

Pour lui, le maïs n’a que des bienfaits. En plus d’être un amuse-gueule, sa vente offre aux femmes une occupation pourvoyeuse de revenu. « Je pense que c’est une très bonne activité parce que c’est une source de revenu qui permet aux vendeuses d’assurer leurs besoins », a-t-il souligné.

Pour Dahoda Ilboudo, un autre amateur de maïs braisé, il est normal que le maïs inonde la capitale du Pays des hommes intègres car, affirme-t-il, c’est la période. De ses dires, Ouagadougou est un potentiel marché pour les vendeuses.

Ainsi, pour lui le Ouagavillois, manger du maïs, c’est se souvenir du village. « Comme nous ne sommes plus au village, alors que la plupart des Ouagavillois viennent des villages proches ou lointains, manger du maïs, c’est faire un clin d’œil à son cher village. Quand tu prends le maïs de 100 F CFA, ce n’est pas grand-chose, mais ça paie quand-même. Ça prouve que les gens aiment manger le maïs et ils le mangent pour se rappeler de leurs villages, de leur enfance, etc. », a-t-il fait observer.

Dahoda Ilboudo dit se rappeler le village quand il mange le maïs frais

Ainsi, pour tous les amateurs de maïs frais braisés, c’est le moment de profiter en attendant que la saison sèche ne vienne raréfier ce féculent. Du reste, passée cette période, Mme Derra anticipe en proposant d’autres fruits. « Quand le maïs et l’arachide vont finir, je vais me retourner à la vente des fruits. Je vends les oranges, les pommes, la banane, alloco, pomme de terre… », a-t-elle confié.

Jean-François SOME

Minute.bf


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